Les Chinois du Marais

Par Maud Prangey, Historienne d’art

Le Marais est le plus ancien quartier asiatique de Paris, surnommé le « Sentier Chinois » ou « Little Wenzhou », il est le seul quartier vraiment chinois avec Belleville, les autres quartiers étant indochinois : Viêt Nam, Cambodge, Laos.

Les premiers Chinois en France

Au XVIIème siècle, les Chinois ont l’interdiction de sortir du territoire.

Michel Shen Fuzong, Le converti chinois peint par Godfrey Keller, 1685

Shen Fuzong est le premier Chinois connu à s’être rendu en France. Mandarin de Nankin, converti au catholicisme, il accompagne Philippe Couplet, procureur des missions jésuites de Chine. Lors de son voyage entre  1681 à 1692, on le présente à Louis XIV le 15 septembre 1684 pour lui montrer comment écrire en chinois et lui faire une démonstration de l’usage des baguettes.

Le port de Wenzhou

Vue générale de Wenzhou

En 1876, le port de Wenzhou s’ouvre et quelques colporteurs chinois apparaissent dans les rues de Paris. Environ 283 Chinois sont recensés en 1911 en France, principalement des étudiants, journalistes, intellectuels anarchistes et déjà quelques marchands de produits chinois.

La Première Guerre Mondiale

En 1916-1917, la France et l’Angleterre n’ont plus de main d’œuvre à cause de la mobilisation des hommes au combat. Ils décident d’engager des travailleurs chinois afin de contribuer à l’effort de guerre. Le 14 mai 1916, la France signe un traité avec le gouvernement chinois alors dirigé par Duan Qirui qui s’engage à leur fournir 150 000 « coolies » surnommés « travailleurs célestes », en réalité des travailleurs forcés, pour participer à des tâches non militaires car la Chine est neutre et ne veut pas s’engager dans la guerre contre l’Allemagne.

Le recrutement doit se faire dans le nord de la Chine, les Chinois du nord étant supposés être plus apte à supporter les hivers rigoureux. Le 9 décembre 1915, le lieutenant-colonel Georges Truptil part à Pékin et fait signer à de jeunes coolies illettrés des contrats de travail de 5 ans. Ces jeunes paysans robustes espèrent faire fortune en France ignorant totalement que l’Europe est en guerre. Initié dans le nord, la majorité du recrutement se fera finalement dans le sud, dans la région de Wenzhou. À leur arrivée, les coolies vont devoir effectuer de lourdes tâches : travaux de terrassement, réfection des routes et chemins de fer, manutention dans les ports, indispensable à la logistique militaire. Les conditions de travail épouvantables des travailleurs chinois provoquent des conflits avec les autorités françaises. Parqués dans des camps de travail, ils ont l’interdiction d’en sortir et d’entrer en contact avec la population. Mal nourris, mal chauffés, de nombreux ouvriers ne recevront jamais réellement leur salaire : 1 franc par jour pour les recrues de l'armée anglaise, 5 francs pour ceux de l’armée française qui leur donne le statut d'indigène civil mais pratique de nombreuses retenues sur salaire. Les syndicats défendent leurs droits afin d'éviter un dumping social. Alors que leurs contrats spécifiaient qu’ils ne devaient pas se trouver sur la ligne de front, 10 000 personnes furent exposées aux combats sur le front de l’est à la demande du Maréchal Foch qui les met à disposition du corps expéditionnaire américain en 1918. Non armés, ils creusent des tranchées, réparent des barbelés, évacuent les morts des champs de bataille. Beaucoup d’entre eux perdront la raison et se retrouveront à l’asile. Entre 10 et 20 000 chinois trouveront la mort.

La guerre terminée, ils sont utilisés pour déminer les champs, reboucher les tranchées et la reconstruction. Les survivants sont amenés Gare de Lyon pour embarquer à Marseille et être renvoyés en Chine. Beaucoup refusent de rentrer, s’enfuient et s’installent près de la Gare de Lyon. Deux à trois mille d’entre eux restent en France après la guerre. La plupart vont devenir ouvriers chez Renault et Panhard et Levassor dans les usines de Boulogne-Billancourt, formant ainsi le premier noyau de la communauté asiatique française.

 

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