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Situé dans le quartier historique et culturel de Paris, le Marais regorge de petites boutiques insolites et branchées que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Amateur de photographie, vous ne serez pas déçu.

PARIS – LE VRAI MARAIS

Article traduit par Axelle Perrot

Cet article fut d'abord publié par le journal hebdomadaire britannique "the Observer", puis mis à jour et republié avec la permission de l'auteur.

L'auteur John Baxter a toujours rejeté le quartier historique de Paris qu’il considérait comme un lieu de prédilection pour les touristes. C’est alors que sa fille lui présenta un univers de boutiques vintage, de cafés vivants et de pâtisseries gay.

Louise, la fille de l'auteur essaie un nouveau béret dans l'une des nombreuses boutiques de vêtements vintage et design du Marais. Photographe: John Baxter.

En tant que citoyen parisien depuis plus de 20 ans, je marche beaucoup – cela reste le meilleur moyen d’expérimenter la ville la plus dense et intensément tactile. Pourtant, je me déplaçais peu dans le Marais. Lorsque je voyais ces rues étroites, remplies de touristes, la nuit et les weekends, la foule bloquant les trottoirs devant  les bars gay tels que l'Open ou le Cox, je préférais faire un détour.

D'ailleurs, qu’y a-t-il à voir ? Comme Soho pour les londoniens, Washington square pour les New-yorkais, la Royal Mile pour les habitants d'Edinburgh, le Marais est surtout un endroit à visiter : un site touristique de plus, comme la tour Eiffel et l'arc de triomphe à cocher sur sa liste. 

Cela m'a donc surpris lorsque ma fille de 21 ans, Louise, de retour de Londres pour les vacances, m’informa qu'elle allait dénicher des vêtements vintage dans le Marais. "N'est-ce pas un peu vieux jeu ?" " Certains de mes jeux préférés sont vieux," me répondit-elle et en rentrant du déjeuner, elle me proposa de me montrer un côté plus branché du Marais que celui que je connaissais.

"C'est du pareil au même pour moi" grommelai-je en traversant le passage piéton de la rue du Renard, une rue peu attractive derrière le centre Pompidou qui marque la frontière ouest du Marais. "Tu crois? Tu vois de l'autre côté de la route?" Sur une partie du mur de la place Igor-Stravinsky, un visage blanc de 6 étages roule ses yeux vers moi en appuyant son index sur ses énormes lèvres. Qui a mis ça ici? J'ai vérifié. Une nouvelle œuvre street-art de l'artiste Jean-François Perroy, aka "Jef Aérosol".

Peint l'été précédent, "Chuuuut!" était bien trop récent pour  les guides touristiques. Mais les guides n'ont jamais vraiment comptés dans le Marais. Les lieux à la mode changent chaque semaine et les business  sont chanceux de durer une saison. Arrêtés devant un magasin de chapeau, Louise essaya un béret couleur cerise voyant d’un étalage, sur le trottoir. Je cherchais un nom, mais la boutique était tellement récente qu'ils n'avaient pas encore eu le temps de remplacer le nom du précédent propriétaire, une petite supérette de proximité.

John Baxter devant le "Chuuut" de Jef Aréosolin. Photographe: Louise Baxter

Le Marais bouillonne. Comme ça a toujours été le cas. Les magasins aux signes hébreux renforcent son image de Quartier juif de Paris mais seulement depuis le 19ième siècle et s’efface à présent rapidement. Avant ça, c’était un mélange d’hôtels particuliers du 17ème siècle transformés en zone de stockage, puis avant ça, le "Mayfair" de la ville, et encore avant ça, un marais dont il obtient le nom.

La récente diaspora juive du Marais est bien plus qu'une histoire de hausse des loyers. La culture gay a déplacé de nombreux cafés et épiceries.  Les laveries automatiques ont été remplacées par des centres de remise en forme proposant saunas et massages avec une "happy ending". Toutes les librairies ont affiché les premières de couverture avec des hommes musclés du magazine gay TÊTU. L’une des plus grandes librairies se nomme « Les Mots à la Bouche ». Il y a toujours des pâtisseries le long de la rue Sainte Croix de la Bretonnerie et Rue des Rosiers, mais peu d'entre elles proposent des challah et strudel.  Aux deux boulangeries Legay Choc,  les plus grosses ventes sont les petits pains et les tartes à la confiture en forme significative de parties génitales.

Puis Louise rit à la vue d’un affichage à l'extérieur de la boutique Les Paris Gourmandes, Rue des Archives.

"Ça dit qu'ils vendent des coucougnettes."
"Et donc?"
Ça veut dire 'testicules'."
A l'intérieur, la vendeuse nous explique très sérieusement que les sphéroïdes roses sont typiques des confections du sud, faites de pâte d'amande entourée de chocolat et nous repartons avec un sac glossine – Exactement ce qu’il fallait pour offrir autour d’un café à la prochaine soirée.

Jusqu'à sa fermeture pour rénovation, le musée Picasso, affichant principalement ses œuvres laissées en droit de succession à l'Etat, était l'attraction touristique principale du Marais. En attendant sa réouverture pour l'été 2013, le Marais peut se reposer sur sa réputation de Mecque des friperies, du designerwear à Coiffeur Vintage et Plus que Parfait, à la chasse aux bonnes affaires à Kiliwatch ou encore au plus chaotique, style de bazar, « Aux comptoirs du chineurs ».

Boutique de vêtements dans le Marais. Photographe: Alamy

Louise m'abandonna une heure pour fouiller dans la mêlée de Free'p'Star, probablement l'endroit le plus connu de Paris pour les amateurs de vintage. Une affiche sur la porte faisait de la pub pour  "Décors de Bordels", une exposition photos de bordels, montrant, en face des locaux du Chabanais, le bordel autrefois,  le plus luxueux de Paris.

Aussi tentant soit-il, je décidai de passer du temps à l'étrange, mais néanmoins typiquement français Musée de la chasse et de la Nature.

Manifestement dévoué à la chasse et à la nature, le musée célèbre les animaux à travers la joie de les massacrer. Les armureries des armes à feu antiques nous mènent aux ménageries constituées entièrement de têtes montées.

Les peintures sur le même thème décoraient les murs du musée. Une exposition nous invitait à reconnaitre les oiseaux par leurs chants, certainement pour nous aider à tirer sur ceux qui sont audibles. Ailleurs, dans une série de cabinets élégamment conçus, des tiroirs coulissants affichent des impressions d’argile de traces et d’autres signes d’animaux sauvages.  Besoin de savoir à quoi ressemblent les excréments de loup? Ne cherchez plus.

Je rejoignis une Louise légèrement ébouriffée mais triomphante aux bras remplis de sacs. Apparemment, la chasse fut bonne.

"Je suppose que tu veux aller à L'As du Fallafel," lui ai-je dis.
"Pourquoi?"
" Eh bien, ils sont censés servir les meilleurs fallafels de Paris - c'était écrit dans le New York Times…"
"Exactement. Regarde ça." La notoriété de ce comptoir juif modeste tomba comme une malédiction. Beaucoup de clients affamés faisaient la queue dans le froid. D'autres erraient dans la rue, essayant de manger des pitas bien garnies sans faire tomber de la sauce sur leurs vêtements.

"Ou alors?" Elle pointa le bout de la rue. "Chez Marianne. Si la nourriture végétarienne ne te dérange pas." Et ça ne me dérangeait pas. Surtout lorsque il s'agissait d'un plat de fallafel style marocain, fourré avec des poivrons, hummus, caviar d'aubergine, tzatziki, tarama et une surprenante combinaison de cœurs d'artichaut avec de l'orange pelée, le tout servi par la vrai Marianne, identifiable grâce à son portrait, plantureuse et rayonnante sur le menu. Et en dessert ? Juste un café et de l'inspiration de la part de Louise. Fouillant dans son sac, elle en sortit le sachet de Les Paris Gourmandes. "Personne ne veut des coucougnettes?

La plus belle promenade du monde: un passant dans Paris par John Baxter, vendue par Short Books au prix de £8,99. Pour le commander au prix de £7,19 avec p&p, rendez-vous sur guardian.co.uk/bookshop ou au 0330 333 684