Le Marais dans les années 80

A l'aube des années 80, le Marais connaît une véritable renaissance. Jusqu'à la fin des années 70, le Marais est en déshérence. Bien que le quartier ait été sauvé de la destruction par la loi Malraux de 1962, qui a classé le Marais comme zone patrimoniale protégée, les rues qui s'étendent entre le triangle  Châtelet - République - Bastille sont insalubres et obscures. L'hôtel Salé (futur musée Picasso) est en ruine. Sa toiture est affaissée et les appartements sont squattés par une cinquantaine de familles. La Place des Vosges n' a pas non plus échappé à l'outrage du temps. Les murs de ses hôtels particuliers sont salis et les carreaux des fenêtres sont cassés. Côté Beaubourg, le Centre Pompidou vient juste de sortir de terre en 1977. Rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, les vitrines des boutiques sont vides et affichent des pancartes « A vendre ». L'air est morose et l’on sent les traces d’un quartier où les déportations de la communauté juive de la seconde guerre mondiale ont laissé des blessures cruelles. Le forum des Halles est inauguré en présence de Jacques Chirac en 1979, alors Maire de Paris et devient rapidement la zone branchée de la capitale. Ce nouveau quartier revitalisé fait un temps peu d’ombre au Marais.  

Un gigantesque plan de rénovation mené par l’état et la ville de Paris vont permettre de mettre en lumière son patrimoine architectural éblouissant. L’ancienne zone marécageuse lotie sous le règne d'Henri IV, va attirer de jeunes urbains. Ce sont les créatifs, les artistes et les gays qui désormais peuvent s’afficher au grand jour qui redynamisent ce quartier. Dans la foulée du mouvement féministe et des nouvelles libertés acquises par les femmes, les homos revendiquent comme au Etats-Unis le droit à la liberté d’être différents. En 1978, Le Village ouvre ses portes. Baptisé en référence au quartier gay de New York, ce tout premier bar gay situé rue du Plâtre est ouvert aussi de jour sur l’extérieur. Le lieu rencontrera un franc succès grâce à sa convivialité. En 1980 ouvre Le Duplex, toujours discret et vivant aujourd’hui. Le Duplex devient le bar arty et branché de tous les intellos du Marais. Les clubs gay de la rue Sainte Anne, coté Opéra, sont progressivement désertés pour le Marais qui voit les bars et restaurants se multiplier : L’Hôtel Central, L'Amazonial, Le Piano Zing en 1981, le Quetzal en 1987, le Swing, le Tango, l‘Open Café, parmi tant d’autres lieux de fête. Après 1984, l’arrivée du sida va créer de nouveaux drames de l’exclusion avec des milliers de morts dans ce quartier, les personnes malades sont stigmatisées, et la joie de vivre du quartier disparaît. De grands élans de solidarité naissent alors dans cette communauté festive qui devient militante et se heurte à tous les conformismes.

Côté commerces, les activités traditionnelles du quartier sont en perte de vitesse (artisanat, textile, petits commerces d’industrie, forgerons, métiers du bâtiment) au bénéfice de petits bistrots et de boutiques de créateurs. On commence à apercevoir des cafés et de nouveaux bars rue des Francs-Bourgeois, rue Rambuteau et rue des Archives. Le Marais va également assister à l'apparition d'une scène artistique alternative. Le Café de la Gare va donner lieu à la découverte de toute une génération de grands comédiens: Coluche, Patrick Dewaere, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Josiane Balasko… Des petits cabarets aux shows burlesques feront salle comble: Le Piano dans la cuisine, le Piano Zinc, le Point Virgule tandis que des comédiens ouvrent leur propre restaurant et notamment le fameux Beaubourgeois de Jean-Marie Proslier.

Comme le rappelle la célèbre photographe suédoise Marianne Ström, qui vit dans le Marais depuis 40 ans, dans son Livre « Le Marais, chef d’œuvre vivant » : Le quartier n'avait ni code, ni interphone, on pouvait rentrer partout, dans les cours pavées, dans les escaliers et atterrir dans un grenier... L’ouvrage raconte l’histoire du Marais et les photos présentent les trente dernières années  Des centaines de Photos remarquables immortalisent les façades des trésors d’architecture du Marais, les portes cochères, les tourelles, et ornementations, avant et après leurs rénovations. Vous trouverez cette véritable bible sur l’architecture du Marais à la Librairie de l’Hôtel de Sully. Découvrez aussi d’autres chroniques historiques sur le Marais d’autrefois et d’aujourd’hui sur le site parismarais.com.

Reportage Pierre Gautrand pour PARISMARAIS.COM

Copyright photos ©Marianne Ström

 

Une Place à la mémoire des victimes et des combattants du sida voit le jour face à l'église St Paul.

Dans le quartier du Marais, la petite esplanade devant l'église Saint-Paul a adopté sa nouvelle dénomination ce mercredi 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida. C'est un symbole et un signe de reconnaissance bienvenu parmi les habitants du Marais. On estime à plus de 10 000 personnes le nombre de morts du sida dans les années 80 dans Paris et en particulier dans le Marais où la communauté gay était nombreuse à s'installer. A l'époque le quartier était insalubre, bon marché et tout était à reconstruire pour les artistes, les altternatifs et les gays qui venaient y résider. Mais dès 1983, les premiers cas de la maladie inconnue surviennent et frappent de plein fouet une génération de jeunes gens qui découvraient la vie et la liberté d'être eux même dans la période euphorique qui suivit l'élection de François Mitterrand. Discriminations, phobies, mise à l'écart furent le lot quotidien des homos parisiens à cette époque. C'est sous la pression des associations comme Aides et Act-up que l'état a agit. Tous ces combattants et combattantes ont été honorés dans de nombreuses villes des Etats-Unis et d'Europe. Paris était à la traine sur ce sujet, il était temps. L'adjoint en charge des solidarités à la Mairie de Paris Jean-Luc Romero, premier homme politique françias à avoir révélé sa séropositivité au VIH, en fut l'un des promoteurs au côté des associations de militants de la lutte contre le sida.

A lire l'excellent reportage de notre confrère Paris Lights Up : https://parislightsup.com/2021/12/01/la-place-des-combattantes-et-combattants-du-sida-inauguree-dans-le-marais/

Crédit Photo © Simon Thollot / Paris Ligts Up / 2021