lundi 05 juin 2017 - Evènements

Rendez-vous politique dans le Marais : entretien avec Edouard Gaudot

Rendez-vous politique dans le Marais : entretien avec Edouard Gaudot

Ancien professeur d’histoire-géo, je me suis mis ces dernières années au service de la construction d’une démocratie européenne, à la suite de Dany Cohn-Bendit. Né et élevé parisien, je le suis resté même au cours de mes nombreuses expériences professionnelles, de Sydney à Varsovie.

Aujourd’hui, je partage mon temps entre Bruxelles et Paris 10e.
Je suis venu à l’écologie par l’Europe, j’y suis resté pour l’amour de la nature et le respect des libertés fondamentaux et des droits humains. Je me présente aujourd’hui à cette élection législative comme écologiste européen et citoyen, sous la bannière d’un jeune mouvement CitoyenS, dont l’objectif est de fédérer toutes celles et ceux qui veulent réconcilier la société et la politique. Nous leur disons « le changement c’est vous », pas les partis ou les représentants d’intérêts particuliers. Nous voulons être des députés qui encouragent toutes les initiatives, des starts-up de l’économie coopérative à la démocratie locale, et les protègent de la bureaucratie aveugle ou de la finance cynique.

Questions relatives au tourisme

Paris est la ville la plus visitée au monde, juste après Londres… Mais la dépense moyenne par visiteur nous classe en 7ème place… Les nombreuses contraintes auxquelles sont contraints les hôteliers font que les chambres sont plus chères à Paris que partout en Europe, à l’exception de Londres… Avez vous des idées sur la manière dont on pourrait promouvoir un Paris plus divers, plus accessible et plus rassurant ?

« Paris sera toujours Paris ». Les Américains reviendront, les Japonais aussi. L’attractivité de Paris se mesure dans les productions culturelles et leur diffusion dans le monde. Encourager la création, maintenir Paris comme le personnage de nos plus belles histoires, c’est le principal moyen de contrebalancer les effets de loupes médiatiques.

Sur la fréquentation, voulons-nous un tourisme de masse avec toutes ses nuisances, ou de qualité, qui encourage d’autres visiteurs et développent le tissu économique au cœur des quartiers ? L’offre touristique doit être diversifiée pour attirer par exemple les familles, qui rencontrent encore trop d’obstacles à leurs séjours.

Que pensez vous d’une piétonisation totale du Marais et d’un accès voiture réservé aux seuls résidents ?

- La pollution automobile tue. Et en ville, c’est un problème aigu de santé publique comme le prouvent les milliers d’enfants atteints de bronchiolites et asthmes chaque année. Franchement, retirer les voitures de nos centres-villes, c’est une question de bon sens, de liberté de mouvement, de santé publique, d’esthétique même. L’expérience du quartier Montorgueuil souligne tous ces aspects positifs.

Bien sûr ce genre de décision très absolue ne fonctionne que dans la concertation, la capacité de fabriquer ensemble du commun : pourquoi et pour quoi ? Il faut penser l’offre de transports permettant de se déplacer autrement et proprement y compris pour le commerce. Imposer un modèle aux résistances ne fabrique que de la frustration. Je pense par exemple à Bruxelles où la piétonisation a été très mal menée par les pouvoirs publics. Certes le modèle urbain y est très différent, et la dépendance à la voiture plus profonde. Mais si l’on élargit le champ, la piétonisation du cœur de Paris doit absolument s’accompagner d’une réflexion élargie au reste de la région Ile de France. Et éviter les pièges en observant ce qui s’est fait ailleurs, de Londres à Florence, de Berlin à Cracovie.

- Enfin, je crois qu’il est aussi vital d’accompagner les effets « paradoxaux » de l’amélioration de la qualité de vie que ce genre d’aménagement amène. Si l’on veut éviter les mauvais côtés de la gentrification, il faut absolument une politique volontariste d’intervention foncière et de préemption pour éviter l’uniformisation par le luxe, qui tue l’âme des quartiers.

Air BnB : La Maire de Paris fait une chasse aux locations saisonnières abusives ce qui est normal, pensez vous que cela est du ressort de l’Etat, de la Mairie ou de chaque copropriété ? Actuellement la limite autorisée est de 4 mois par an… Que diriez vous d’une autorisation de location par paliers, quand les personnes n’ ont aucun autre revenu ? Sachant qu’il y a un déficit de chambres à Paris en périodes de salons notamment.

- Le vrai problème c’est de s’occuper de combler les quelques 40000 logements locatifs qui sont retirés du parc locatif à cause dAirbnb entrainant une pression à la hausse sur les loyers et l’offre. Là les solutions passent par un vrai changement dans les politiques l’offre. Outre l’augmentation du parc, il est aussi possible de faire preuve de créativité et favoriser par la loi les nombreuses alternatives : habitat coopératif, colocations, cohabitation transgénérationnelle, espace de co-working… Et une réflexion sur les vieilles certitudes d’une économie dépassée : les fameux 24 000 m2 de bureaux en chantier dans le quartier sont-ils par exemple nécessaires ?

- Ensuite soulignons les caractères positifs de ces nouveaux acteurs « de mise en réseaux ». Ils introduisent une forme de concurrence qui déjoue les rentes de situation, ils sont fondés sur une forme de convivialité et ils offrent des ressources complémentaires aux particuliers. Mais au-delà de leur caractère bienvenu de « disruption », il faut absolument les encadrer, pour éviter les effets d’aubaine voire pire la simple substitution d’une rente pour un secteur par une rente pour les propriétaires de l’application.

- Fondamentalement, je suis pour laisser le maximum de liberté à chacun ; mon expérience au cœur de la fabrique des lois (européennes) c’est qu’il ne suffit pas de faire des textes, il faut avoir les moyens de les appliquer et de les faire respecter. Si chaque réglementation est tellement sophistiquée qu’elle demande un travail d’interprétation démesuré, on peut être sûr qu’elle sera contournée par certains et qu’elle paralysera tous les autres. Donc le sujet est plutôt de remédier aux déficits.

- Aujourd’hui sur la location temporaire Airbnb, la loi française dit « 4 mois maximum ». On n’en vit pas, certes, mais c’est un complément de revenu intéressant, autour de 6000 euros annuels en moyenne. Prolongé au-delà, ça devient naturellement une activité professionnelle. Et la loi prévoit le changement de statut donc de fiscalité. Ça me paraît en l’occurrence un bon compromis dont l’objectif est de maintenir l’équilibre entre ceux qui ont besoin de ce complément et contenir la flambée des loyers.

La compétition vis à vis des hôtels est surtout un problème pour les court séjours de 1, 2, ou 3 nuits que penseriez vous de l’idée suivante : restreindre les locations saisonnières à 5 nuits minimum ou 1 semaine comme dans les résidences hôtelières, ainsi : moins de compétition pour les hôtels, plus de calme et moins d’aller et venues dans les copropriétés.

Que pensez vous des zones dites touristiques et non touristiques : n’est ce pas donner une prime aux gagnants et aux quartiers déjà hyper saturés ? Pourquoi le 3e serait –il plus favorisé que le 10ème qui a aussi un beau patrimoine architectural festif et humain ? (Canal, hôpital st Louis, gares, boulevards, églises, parcs)

- Je pense qu’il ne faut pas perdre de vue les raisons pour lesquelles ces zones sont délimitées : l’ouverture des commerces le dimanche… mais franchement, vient-on du bout du monde uniquement pour un shopping qu’on peut faire 6 jours sur 7 déjà et partout ailleurs. Ou bien pour la vie de quartier, le pittoresque, au risque des clichés d’ailleurs.
- Tout ce qui risque de transformer Paris, et surtout son centre vivant, en vaste duty-free d’aéroport est dangereux et doit être évité. Ne pas faire de Paris juste une annexe du village mondial. C’est un territoire qui est aussi un terroir avec une identité qui draine une demande mondiale. Evitons de donner raison à l’avenir entrevu dans « la carte et le territoire » par Michel Houellebecq.

Questions d’ordre économique locale spécifiques aux quartiers centraux de Paris

Le logement est un des problèmes majeurs de Paris. Surtout au centre. La fiscalité sur la taxation des plus values est trop élevée et bloque le marché : sous jacques Chirac fin de la taxation sur les plus-values pour les résidences secondaires : 15 ans, sous Nicolas Sarkozy 30 ans, sous François Hollande 22 ans. En Allemagne 10 ans seulement. Tous les studios souvent achetés par des parents pour leurs enfants étudiants seraient revendus plus tôt si ils étaient moins taxés… Qu’en pensez vous. Avez-vous d’autres idées pour fluidifier l’accès au logement, développer les colocations, les appartements trans-générationnels comme c’est fait à Berlin... D’autres idées ?

- La fiscalité sur les résidences secondaires a comme objectifs de bloquer le marché des spéculateurs, pas des investisseurs. Changer ces règles ne changera pas les données du problème, au contraire. Fluidifier l’accès au logement ne passera que par l’augmentation d’une offre bon marché, « accessible » donc.
- La réalité du marché aujourd’hui, c’est qu’un jeune, une famille qui vient d’avoir son deuxième enfant, un senior dont la retraite est insuffisante se retrouvent exclus de leur propre quartier et condamné à l’exil. Pourquoi ne pas réfléchir à des dispositions de « rabat » fiscal conditionnel. Par exemple, une réduction de 20, 30 voire 50%, selon le critère, de la taxe en cas de vente à des acheteurs dont on veut favoriser l’accès au logement dans le quartier : jeune, jeune couple, familles modestes, artistes, artisans, projets d’économie sociale et solidaire, etc.

La loi Alur a énormément complexifié les actes d’achats et de revente, fait augmenter les charges de copropriété, il y a du bon du moins bon, des choses à optimiser, lesquelles selon vous ?

- Je ne comprends pas bien les polémiques autour de cette loi. Comme toutes les lois elle a des bons et mauvais côtés. En outre, il semble selon les derniers chiffres de la chambre des notaires que le marché soit plus dynamique que jamais. Donc où est le vrai problème ?

Les investisseurs Qataris ne paient pas d’impôts sur les plus values immobilières (convention de 2009) ne trouvez-vous pas que cela doit cesser (Liberté Egalité Fraternité ) ce genre de mesure n’ incite-elle pas à la montée de l’extrême droite et à un sentiment d’injustice global ? Qu’en pensez vous ?

- Ce genre de préférence (inter)nationale est stupide et scandaleuse.
Que ce soit pour Mickey, Poutine ou les princes du Golfe et du PSG. Faire de la (mauvaise) politique étrangère sur le dos des contribuables et des habitants, c’est mesquin – et dangereux.

Les commerces indépendants ont de plus en plus de mal à survivre et à payer des loyers qui grimpent en flèche, que pensez vous des systèmes comme la SEMAEST ? N’ y aurait-il pas d’autres choses à inventer pour préserver le tissu commercial essentiel et éviter la mono-activité comme les boutiques de vêtements. Comment doper une authentique vie de quartier avec une quote part de logements / commerces de proximité plutôt que des placements financiers immobiliers, comme par exemple les 24 000 mètres carrés de bureaux rue des Archives ?

- Avec la montée des prix, les artisans ont été progressivement chassés du cœur de Paris. Le tissu des petites entreprises artisanales qui constituait l’âme et le dynamisme économique de nos quartiers se délite. On connaît la galère aujourd’hui la galère pour trouver un plombier ou un chauffagiste dans nos arrondissements. La biodiversité ce n’est pas seulement pour la nature. Nous devons favoriser et faciliter l’implantation des activités de services (artisans, communication, conseil, startups etc.) par exemple avec la créations d’« hôtels d’activité » pour ces TPE-PME. Les multinationales n’ont pas besoin de l’aide publique. Faisons revenir les artisans pas seulement les abeilles.

- Les petits commerces sont aussi éradiqués par les moyennes surfaces et forcent un repositionnement du foncier sur le haut de gamme et la restauration. Je pense qu’il faut geler les nouvelles implantations de grandes enseignes et favoriser l’émergence de commerces alternatifs et de marchés urbains, favorisant les circuits courts, les AMAP et la qualité. A terme, avec les potagers urbains jusqu’au retour de ceinture maraîchères, cela permettrait aussi de repenser l’activité agricole dans toute la région francilienne (une des plus riches d’Europe, mais entièrement consacrée à l’agro-industrie intensive et polluante, betteravière, céréalière ou laitière, enrichie à coups de subventions européennes).

- Tout l’enjeu est de faire coexister logement et activité de proximité. Nous avons besoin de politiques de développement économique moins centrée sur le gigantisme des années 80 et plus pour favoriser un écosystème de petits commerces et artisans… En la matière, Small is beautiful.

Pour finir et conclure

Quels sont vos 3 idées principales ou actions que vous souhaiteriez mener pour cette circonscription ? Et pour suivre la tendance d’inclure de plus en plus de professionnels de la société civile, que pensez-vous de l’idée d’un conseil économique de circonscription composé de différentes professions, un peu comme un conseil de quartier, mais à une autre échelle ?

- Pourquoi pas en effet. En fait, je voudrais faire passer le message de continuité entre les questions du quotidien et les défis mondiaux. De notre assiette à la planète, les solutions sont reliées, même les plus simples.
- Cela se traduit par mon engagement européen, et aussi par mon insistance sur l’implication des riverains au plus près de leurs préoccupations et de leurs initiatives.
- Pompidou voulait adapter la ville à l’automobile parce que c’était le futur, je voudrais l’adapter à nos enfants, à nos libertés et au respect de nos équilibres naturels parce que c’est ça le futur.